La maison traditionnelle bessannaise
Une unité architecturale - par Léon Personnaz
Il existe deux sortes de documents concernant les habitats anciens des villages de haute montagne en Savoie (> 1600 m d'altitude) : d'une part des ouvrages et des articles scientifiques ou pseudo-scientifiques, et d'autre part, des textes de présentation de communes ainsi que d'associations travaillant à la mise en valeur du patrimoine. La première catégorie conduit souvent à des classifications géographiques, historiques, sociologiques, ethnologiques ou archéologiques ; il y est question de lieux, d'altitude, d'agriculture, d'élevage. Ces caractéristiques conduisent à analyser, à expliquer, à justifier les différents types de maisons paysannes que l'on trouvait en altitude, dans les siècles passés. Quelques études traitent d'un village particulier. Les documents de la seconde catégorie, qui vont parfois au-delà de la mise en valeur touristique, conduisent, dans le meilleur des cas, à aller voir sur place ce qu'il en est. Assez peu d'associations donnent la possibilité de se renseigner un peu sérieusement sur ces habitats et modes de vie anciens. Nous donnons en annexe un aperçu de cette littérature.
Après consultation de spécialistes et de nombreux documents, il apparaît que l'ancien habitat paysan de Bessans et Bonneval (note 1) est singulier et exceptionnel à plus d'un titre, parce qu'il rassemble les caractéristiques suivantes :
1. au village de Bessans, en particulier, les fermes étaient construites sur un terrain plat (note 2), le logis-étable (l'érhablô) étant semi enterré ;
2. les murs sont complètement en pierre et les toits sont recouverts de lauzes ; charpente, planchers, portes, balcons en bois ;
3. dans la ferme, les humains cohabitaient, au moins la journée, avec les animaux ;
4. la ferme est concentrée : elle comportait l'habitat des humains, des animaux, le stockage du foin et des réserves alimentaires ;
Ce type de ferme a été habité jusque dans les années 1960, si bien que l'on rencontre encore des personnes qui y ont vécu.
Développons à présent certains points des caractéristiques précédentes qui, toutes, se retrouvent dans la maison Finette.
1. Il peut être surprenant de lire "en terrain plat". Pourtant, Bessans, à 1750 m d'altitude, est situé sur un plateau (note 3) provenant d'un ancien lac, de 8 km de long et 1,5 à 2 km de large. Cette configuration distingue le village d'autres situés à des altitudes comparables (Saint-Véran, Saint-Sorlin, …). En effet, une ferme construite sur une pente voit le rez-de-chaussée de plain-pied en bas, se retrouver enterré dans le fond du bâtiment (intéressant du point de vue de isolation thermique) ; d'autre part, le dépôt du foin et des céréales dans le fenil se fait facilement par le haut. À Bessans, en terrain plat, avec des hivers rudes, l'isolation thermique posait donc des problèmes. Dans les pays froids et plats, comme la Sibérie, des solutions sommaires de huttes enterrées ont été trouvées, il y a de nombreux siècles, mais les Bessanais ne s'en sont pas inspirés. Leur solution a consisté à placer l'étable dans un local semi-encastré dans la terre, semi-enterré (note 4), dont le plafond, constitué de grandes et épaisses planches constitue le plancher de la grange.
2. Dans les régions moins arides, ou de moindre altitude, les fermes étaient souvent construites en bois sur un soubassement en pierre. Les toits étaient en chaume, en bardeaux, puis en tôle. Bessans, qui a de belles forêts de mélèzes, n'a pourtant pas assez de bois (note 5) pour envisager une solution de murs en bois. Ils étaient donc tous en pierre. Le schiste de l'endroit, même s'il est assez grossier, permettait de tailler des lauzes. L'inconvénient majeur était leur poids, qui imposait des murs épais et des charpentes en conséquence (note 6).
3. L'hiver
dure six mois à Bessans. La température pouvait descendre à – 30°C. Les animaux
restaient évidemment à l'étable pendant
cette période. Les Bessanais ont choisi la cohabitation
avec les animaux (note 7) pour profiter de la chaleur
qu'ils dégageaient (note 8) Cette cohabitation était permanente pendant la saison
froide. En été, on utilisait les chambres d'été situées au niveau de la grange.
4. Les fermes bessanaises étaient presque toutes constituées d'un seul bâtiment (note 9). Cette concentration des activités de la ferme s'opérait grâce à une entrée commune aux humains et aux animaux (note 10) ; elle se faisait par un corridor (lôs us) descendant de 1,5 m par de larges marches en lauzes (note 11) et comportant un sas thermique (3 portes). Toutes les parties de la ferme étaient accessibles à partir de ce corridor : logis-étable, cuisine, resserre, cave, grange, chambres d'été. On accédait à la grange et aux chambres par un escalier généralement en pierre.
Le plan du logis-étable était bien établi : un rectangle en deux parties ; les crèches des vaches et de l'âne ou du mulet, sur un plancher légèrement surélevé. Il y a longtemps, seule la rigole à purin (la kroouzo) séparait les humains des bovins (note 12). Une table devant la fenêtre donnant sur la cour, un banc-mangeoire placé devant un ou des lits coffres surélevés sous lesquels une ou deux brebis étaient parquées, en hiver. De l'autre côté de la table, un banc.
Des tabourets, de rares chaises. Souvent une pompe à eau agrémentée d'un bachal en pierre, rarement en bois. Il n'y avait généralement pas de grande cheminée ; seulement un poêle. Le sol était recouvert de larges planches épaisses.La cuisine, dite cuisine d'été (la fogogné) se trouvait presque toujours en face du logis- étable, de l'autre côté du corridor. Équipée d'une grande cheminée, ses meubles se limitaient à un vaisselier, à une grande table et des bancs. Éclairée par une fenêtre donnant sur la cour, comme celle du logis-étable. Cette cuisine donnait accès à une resserre fraîche pour les aliments ((lô péliô) et souvent à une cave voutée, à un niveau inférieur (la voouto).
La grange (lô slèy – du vieux français "solier", étage supérieur) était donc au-dessus du niveau semi-enterré, c'est-à-dire à un bon mètre du niveau du sol. Le foin y était enfourné par une grande porte à deux battants : on roulait directement les ballots de foin – les trousses (lé kordès) amenés sur des chariots (lô karégn ou la kariolo). L'un des battants de la porte était en deux parties : celle du haut s'ouvrant indépendamment du reste (cela permettait de sortir plus facilement s'il y avait beaucoup de neige).
En hiver, le foin était descendu de la grange à l'étable directement par une trappe et arrivait dans une sorte de placard (lô bétow). Cela évitait de sortir.
Les maisons avaient généralement un balcon – ou galerie (la lodzé) dont, souvent, une partie était fermée pour abriter, par exemple, du bois de chauffage. Toujours dans la grange, il pouvait y avoir un niveau supérieur, sur les chambres d'été, un espace dégagé, où l'on entreposait les pommes de terre, le seigle… Ce niveau donnait généralement accès au balcon- galerie par une porte (note 13).
- Un escalier, souvent en pierre,
conduisait du corridor
(lôs us) au niveau
supérieur, c'est-à- dire à la
grange et aux chambres, dites chambres d'été.
Anciennement, les murs au niveau de la grange n'étaient pas nécessairement crépis, en particulier pour l'aération du foin. Sur certaines maisons, comme la maison Tracq, aujourd'hui disparue, on remarque un crépi du côté des chambres (note 14).
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Beaucoup de maisons bessanaises de ce type ont été détruites par l'incendie d'août 1944. Elles ont généralement été remplacées par les grandes carcasses de la reconstruction, entre 1946 et 1957. Petit à petit, les restes de cet habitat traditionnel disparaissent. La maison de l'office du tourisme de Bessans, bien qu'assez petite, garde encore le souvenir du logis-étable et de la cuisine d'été. La salle du restaurant La Lodzé, est installée dans une ancienne grange dont le volume a été conservé. Toutefois, le changement d'utilisation de ces maisons ne permet pas de se faire une idée précise du lieu de vie ancien.
La maison Finette, par ses dimensions et sa conservation dans son jus de la première moitié du XXe siècle, semble être le dernier exemple que l'on puisse montrer à des groupes d'une douzaine de personnes, ce qui est impossible dans la petite maison abritant l'office du tourisme.
Cette ferme, qui est déjà repérée sur un cadastre du XVIIIe siècle, a évidemment une histoire qu'il serait intéressant de connaître. Nous savons déjà qu'elle a subi plusieurs modifications et agrandissements, mais une étude archéologique serait évidemment la bienvenue.
Les espaces du niveau semi enterré ont été complètement conservés dans leur intégrité. Les meubles ont été enlevés ; des cloisons en novopan ont simplement été installées, en particulier dans le logis étable lorsque les occupantes n'ont plus gardé de bêtes. Inoccupée depuis les années 1970, la ferme se dégrade. Des fuites d'eau descendent jusque dans la cheminée du logis-étable ainsi que dans une chambre. Pour garder l'intégrité de l'édifice, une importante restauration doit être entreprise. Le toit en particulier, dont les lauzes très anciennes sont pourries, doit être refait.
Cette restauration demanderait d'utiliser des matériaux traditionnels et à faire appel à des personnes du cru ainsi qu'à des techniciens spécialisés afin de ne pas trahir l'intégrité du bâti.
Notes
1 Francis Tracq, La Mémoire du vieux village, La Fontaine de Siloé, 2000. Revue de BJA n°56, hiver 2006-2007.
Marcel Jail, Haute Maurienne, pays du diable ?, Grenoble, Allier, 1977, 243 p.
Madeleine Triandafil, Le Bout du monde, six mois dans les neiges de Haute Maurienne. Paris, éd. du Scorpion, 1962, réédité par La Fontaine de Siloé, 1991.
Voir l'annexe de ce document.
2 Cette particularité est significative pour Jean-François Lyon-Caen. C'est aussi le cas pour les hameaux comme la Goulaz et le Villaron. En revanche, à l'Avérole, et surtout aux Vincendières, les maisons sont construites sur des pentes, conduisant à des architectures différentes.
3 Dans les documents concernant la Haute Maurienne, on parle de "haut plateau" pour désigner la zone Bessans- Bonneval. Lanslevillard, le village le plus proche en aval de Bessans, est à 1450 m d'altitude, c'est-à-dire 300 m plus bas. Cela explique les différences des types de construction, et de modes vie anciens, entre ces localités.
4 Le sol restant à une température plus douce que l'air isole beaucoup mieux du vent que des murs.
5 Eugenie Goldstern notait que la forêt de Bessans, essentiellement de mélèzes, est "parcimonieuse" ; voir Eugenie Goldstern (1884-1942) ethnologue de l'arc alpin, coll. Le Monde alpin et rhodanien, Musée Dauphinois, 2007. Néanmoins, il a toujours été utilisé pour les portes de granges ; celles-ci, plusieurs fois centenaires, ont résisté aux intempéries, à la neige pendant 5 ou 6 mois, et au pourrissement.
6 La charpente était évidemment de bois. Souvent, une colonne, un gros tronc d'arbre, supportait la poutre faîtière à partir du bas du bâtiment.
Les toits actuels (en 2024) de Bessans sont recouverts de bardeaux ou de lauzes, mais ce sont des lauzes italiennes taillées, "dites mécaniques", beaucoup plus fines et plus légères que les anciennes bessanaises… peut- être trop "géométriques".
7 Vaches, veaux, moutons, brebis, chèvres, âne ou mulet.
8 Eugenie Goldstern appelle ce logis-étable semi-enterré Kellergeschoss ; Jean-François Lyon-Caen propose "niveau enterré" et Jean-Pierre Anderegg "niveau cave". Les Bessanais ayant vécu dans ce type de logis ne le considèrent pas comme une cave ; ils préfèrent l'appellation "logis-étable semi-enterré" dans la mesure où la moitié supérieure des fenêtres dépasse le niveau du terrain.
9 Le matériel de la fenaison : trousses, râteaux, fourches, cordes (la souho), était rangé dans la grange. Néanmoins, il existait parfois, dans exploitations moyennes, un bâtiment séparé de la maison (lô bénal) ; c'était un abri pour le matériel : le traîneau (la lièto), le van (seigle, orge) et autres gros outils, araire, charrue, brouette, harnais pour la descente des énormes ballots de foin, en hiver, depuis les alpages (lôs arnèrs dé bouissons)… Il pouvait y avoir une petite bergerie en sous-sol. Les moutons descendaient par un escalier…
Les toilettes d'été se trouvaient dans la cour, dans une petite cabane en bois (la kazèto), rarement en pierre.
10 Eugenie Goldstern a étudié les façades des maisons bessanaises et répertorié les différents types d'entrée, avec saillie pour les plus anciens.
11 Les marches sont généralement assez basses (< 20 cm) pour le confort des vaches. Cela n'est pas le cas dans la maison de l'office du tourisme de Bessans où elles sont assez hautes.
12 En 1913, E. Goldstern a repéré trois maisons seulement avec un rideau de séparation ; au XXe siècle, on a installé des cloisons en planches de 1,50 à 1,70 m de haut.
13 Autrefois, les galeries, souvent sans balustrade, abritaient les grébons (lé blèïhiés), briques d'excréments de moutons, et le petit bois. Il est encore possible d'en voir sur la place de la croix de la Pise et sur une maison désaffectée, presque en ruine, près de la cour des Cimaz, rue du Solièt (la maison de Justinien).
14 Voir le n°81 de la revue de BJA, pp. 56 et 57.
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ANNEXE 1 - Les façades des fermes bessanaises
Au XIXe et au début du XXe siècle, les maisons de Bessans se surélèvent ("sortent de terre"). Comme nous l'avons vu, elles sont en général construites en terrain plat. Le toit, à deux pans, est en lauzes. Il est donc très lourd. La pente est faible afin d'éviter le glissement des lauzes. Les plus grandes sont placées vers le bas. Le toit dépassait les murs afin de protéger les galeries ou le bois à brûler et les grebons étaient entreposés. Dans les maisons anciennes, ces galeries n'avaient pas de balustrades. Dès le XIXe siècle, on voit apparaître des balustrades en bois, puis en fer forgé, comme pour la maison Finette.
La maison avait deux portes : celle pour la circulation des humains et des animaux et celle de la grange. Elles n'étaient pas nécessairement sur la même façade. Dans le cas où elles ne l'étaient pas, si le terrain était légèrement pentu, la première était ouverte du côté le plus bas. Cela permettait un corridor peu pentu, préférable, évidemment. Elle était généralement face au sud. C'est le cas pour la maison Finette.
- Les entrées des maisons très anciennes étaient protégées contre les intempéries par une grande niche couverte par une avancée du toit. Eugenie Goldstern en a photographié une datée de 1585. Il en existe encore une, désaffectée, place du Chapil (voir la photo ci-dessous). On ne dispose pas du plan de ce type de maison.
- On
peut supposer qu'à ce niveau semi-enterré, dans les anciennes maisons, pas très
grandes, le logis-étable, la resserre, éventuellement précédée d'une cuisine,
et un escalier pour
monter à la grange, étaient accessibles, de l'intérieur de la maison, à partir d'un palier, au pied
d'un petit escalier, descendant derrière la
porte d'entrée. Une telle disposition
laissait évidemment pénétrer l'air froid. Cet inconvénient majeur a dû conduire
à la solution d'une saillie (lô porkliô),
qui, sans augmenter le volume de la maison réalisait un sas thermique.
Eugenie Goldstern présentant les différentes façades des maisons anciennes, signale cette saillie sur certaines façades (2 m de profondeur x 1,5 m de large x 1,8 m de haut), avec une porte d'accès vers le niveau semi enterré (lô pôrkliô) (note 15).
Les premières saillies, construites après la maison, étaient couvertes de lauzes.
- Lorsque les maisons ont gagné en hauteur, en particulier afin d'augmenter le volume de la grange, cette saillie a été agrémentée, au-dessus, par un mur, à l'avant, au-dessus de la porte, montant jusqu'au toit (saillies du second type, photo ci-dessous). Cela permettait d'entreposer du bois et des outils. De plus, ce mur participait à soutenir la lourde avancée du toit.
Pour les constructions du début du XXe siècle, les saillies ont été conçues dès la construction de la maison, le dessus de la saillie étant une resserre fermée montant jusqu'au toit, avec éventuellement un fenestron.
Lorsque les maisons ont été plus grandes, la disposition des pièces du niveau semi-enterré a évolué. Pour isoler thermiquement le logis étable sans saillie à l'entrée, plusieurs solutions ont été choisies
- l'une d'elles consistait à disposer le logis-étable au fond du corridor, comme c'est le cas dans la maison Finette (note 16) ;
- Dans les maisons plus récentes, du début du XXe siècle, le logis-étable et la cuisine d'été étaient de part et d'autre du corridor descendant. Les portes d'accès à ces pièces s'ouvraient après deux portes dans le corridor, formant un sas. Les fenêtres des deux pièces donnaient sur la façade. Le logis étable pouvait avoir deux fenêtres, par exemple de chaque côté du karél (grande dalle surélevée devant la porte de la grange (note 17).
Si la maison était construite sur une pente, ce qui était rare au village (note 18), mais courant dans les hameaux des Vincendières et de l'Avérole, la structure de la maison pouvait en profiter. L'entrée des humains et des bêtes se faisait par le bas, de plain-pied. L'entrée de la grange se faisait par le haut, permettant un envoi du foin bien au-dessus du plancher. Cela évitait l'installation d'un treuil (la téyolo), comme dans la majorité des granges à Bessans.
Notes
15 Goldstern cite Karl Weule qui signale que les esquimaux d'Alaska utilisent aussi ce type d'avancée abritant un couloir.
16 Également, encore aujourd'hui, chez Valentin Vincendet, place de la Croix de la Pise.
17 Comme chez Valentin Vincendet, où le volume du logis-étable a été conservé.
18 Chez Valentin Vincendet, la descente vers le logis-étable est très faible.
ANNEXE 2 - Nous présentons ci-dessous quelques passages significatifs de la revue de BJA n°56.
État d'une maison en 1766
Le 5 Mars, Jean-Michel CHARRIER, de Bessans, maître charpentier, Antoine PARIETAS et Antoine ROLLAND, maçons de Fontainemore de la vallée d'Aoste, et François Marie QUIDICE, de Milan, maître marbrier, ont visité la maison des héritiers de Claude FOUDRAZ, près du Chapil. Ils en décrivent l'état et, au cas où des réparations seraient entreprises, ils proposent :
« Nous avons jugé que le couvert était à la veille de tomber en ruine pour avoir presque tous les chevrons brisés et pourris et les parfeuilles qui étaient sur les chevrons pour contenir les ardoises aussi toutes pourries, et les ardoises cassées et mal rangées de façon qu'en temps de pluye l'eau entrait toute dans le bâtiment et que par conséquent tout le couvert du bâtyment avait besoin d'être refait tout de neuf. De plus que le bâtiment n'était point logeable pour n'avoir aucune cheminée ny cuisine, n'ayant pas cy-devant que servi de grange et écurie, soit de suel ainsi qu'on dit vulgairement, et les entrées pour la grange que pour le dessous, fort petites et incommodes et basses et presque impraticables pour un bâtyment logeable, une partie de la muraille méridionale en très mauvais état...
Dés qu'on entreprend de le faire réparer nous avons jugé d'avancer un peu la muraille méridionale du bâtiment pour l'agrandir et refaire les entrées ouvrir deux nouvelles fenêtres et refaire les autres et faire le plancher pour le bétail et les crêches en l'écurie pour faire un bâtiment un peu logeable...
Pour la somme de deux cent soixante livres tant pour les matériaux nécessaires que pour la main des Maîtres massons... »
Extrait du coutumier de l'Abbé BERNARD - Paroisse de Bessans (années 1930)
« Les habitations de Bessans descendent de deux, trois mètres sous le sol et ne laissent ressortir au-dessus que trois ou quatre mètres de murailles...
Entrons dans une de ces maisons : tout d'abord la porte d'entrée ouvre sur un vestibule à escaliers dont le nombre varie suivant l'enfoncement du sous-sol. Une seconde porte est au fond. Poussons là, et nous nous trouvons sur une petite plate-forme, ou bien deux, trois escaliers à descendre. Nous nous trouvons alors dans un corridor obscur, mais de peu de longueur. Une troisième porte se présente en face, flanquée à droite et à gauche de deux autres portes latérales. Celles-ci ouvrent sur la cuisine d'un côté, sur la cave ou le cellier de l'autre. La grande porte du milieu introduit dans l'étable...»
Précisions de Louis PERSONNAZ
La toiture, le toit (lô tét)
Avant de poser les lauzes, on isole le toit à dos d'homme sur des rondins avec des cordes sur un système de pont constitué de deux poutres adossées au mur.
On commence
toujours par le bas.
À l'extrémité des chevrons, « le bois charlant
» maintient les premières lauzes, les plus grandes
(lé sabrondés), puis les chapeaux
(lô tsapios), puis les
deux lauzes de couverture. Il y a deux sortes de montage : par rangée ou plus
élaboré, en plume, à deux diagonales.
Les lauzes sont posées sur les lattes de bois.
On retrouve les chapeaux au fil de la poutre faîtière (la fré) pour finir le toit avec une double rangée de lauzes plus étroites sur laquelle on posait "la marmotte", une pierre de tête, lourde, et même parfois plusieurs, pour résister au vent. On retrouve aussi la marmotte en alpage. Le couvreur triait les lauzes au fur et à mesure. Les bords des lauzes se travaillaient au marteau, broches et massettes, sur le toit.
Les lauzes (lé loouzès)
Ce
sont des dalles de pierre plates extraites au plus près des maisons, utilisées
pour la couverture des toits
en Maurienne et dans d'autres
régions des Alpes. Elles ont une épaisseur de 3 à 9 cm, les plus belles de
3 à 6 cm.
Leur
extraction se faisait en hiver, mais était préparée à l'automne. Les dalles enterrées
sont de meilleure qualité.
On fait des trous
dans la roche avec un foret métallique ; on le tourne et l'on tape dessus avec une masse.
Il existait deux procédés pour séparer les lauzes :
- le premier consistait à remplir les trous d'air et les bouchonner pour que les plaques éclatent avec le gel ;
- le second procédé consistait à faire éclater les lauzes manuellement à l'aide de coins métalliques. Ceux-ci devaient être montés tenus au chaud (près du corps) pour ne pas se casser au froid.
Plus tard, les lauzes ont été
obtenues par minage.
On les descendait sur la
neige dure sur des
bois, parfois des branches de saule,
puis les ânes prenaient le relais.
Les plus épaisses étaient
utilisées pour les dallages du sol à l'écurie, à l'entrée de la porte
ou de la grange.